Les majeurs souffrant d’une altération de leurs facultés mentales peuvent faire l’objet de trois mesures de protection plus ou moins lourdes : la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle, ces trois mesures obéissant à des règles communes.
Il est également possible, depuis la réforme du 5 mars 2007, d’anticiper sa propre protection par le biais d’un mandat de protection future.
Enfin, depuis le 15 octobre 2015, un proche peut solliciter l'autorisation du juge pour représenter la personne qui ne peut pas manifester sa volonté.
La protection des majeurs, relève de la compétence du juge des tutelles du Tribunal d’Instance.
Cependant, par la loi de programmation de la justice du 23 mars 2019, le législateur a prévu de supprimer le juge des tutelles et de le remplacer, à compter du 1er janvier 2020, par un juge des contentieux de la protection.
Le Tribunal d'instance se trouve également supprimé au 1er janvier 2020.
La compétence d'attribution sera dévolue au Tribunal judiciaire.
Le juge doit respecter trois principes lors du choix de la mesure (Article 425 du Code Civil) :
En effet, à peine d'irrecevabilité, le juge ne peut être saisi d'une demande de protection que par une requête accompagnée d'un certificat médical circonstancié constatant l'altération des facultés du majeur et décrivant les conséquences de celle-ci sur la vie civile de l'intéressé.
Ce certificat émane d'un médecin inscrit sur une liste particulière établie par le procureur de la République (Article 431 du Code Civil).
Par la loi du 23 mars 2019 et depuis le 25 mars, le juge ne doit ouvrir une mesure de protection que si le majeur ne peut pas être protégé autrement, et notamment, par la mise en oeuvre du mandat de protection future ou encore par l'application des règles de droit commun de la représentation, par celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux ou par une autre mesure moins contraignante.
La protection doit être adaptée à la situation du majeur et individualisée en fonction du degré d'altération de ses facultés (Article 428 al 2 du Code Civil).
Quelle que soit la mesure choisie, le majeur devra bénéficier de la protection de son logement, de ses meubles et de ses comptes et livrets bancaires.
En revanche, depuis le 25 mars, le majeur protégé, et peu importe la mesure de protection en question, peut se marier sans exigence d'autorisation préalable ni d'audition tant que le protecteur est informé préalablement du projet de mariage pour lui permettre de former éventuellement opposition. Ces règles sont transposables au PACS.
Par ailleurs, le majeur placé sous un régime de protection reste malgré tout responsable civilement d’où la nécessité de le faire bénéficier d’une assurance de responsabilité civile.
Le juge des tutelles peut placer sous sauvegarde de justice la personne qui a besoin d'une protection juridique temporaire ou d'être représentée pour l'accomplissement de certains actes déterminés (Art. 433 du Code Civil).
Le juge peut également mettre en place cette mesure lorsqu'il est saisi d'une demande de mise sous tutelle ou sous curatelle, pendant la durée de la procédure.
La sauvegarde peut par ailleurs être mise en place sans décision du juge, par une simple déclaration d’un médecin auprès du Procureur de la République, de ce que la personne à laquelle il donne ses soins a besoin d’être protégée.
La sauvegarde de justice a une durée maximale d'un an, avec un seul renouvellement possible (Article 439 al. 1 du Code Civil).
La mise sous sauvegarde de justice n'est pas une mesure d'incapacité mais une mesure de protection de la personne de sorte que le majeur conserve en principe l'exercice de ses droits. Il peut donc acheter, louer, vendre, donner, etc.
Ces actes peuvent cependant être annulés pour trouble mental, rescindés pour simple lésion (c’est-à-dire annulés parce qu’ils sont objectivement déséquilibrés) ou réduits en cas d'excès (c’est-à-dire réduits à ce dont la personne protégée avait vraiment besoin).
Le juge peut désigner un mandataire afin de gérer le patrimoine du majeur sous sauvegarde.
La procédure de placement sous tutelle ou curatelle est demandée par requête remise au greffe du Tribunal d'instance (Tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020) de la résidence habituelle de la personne à protéger, la décision devant être rendue dans un délai d’un an sous peine de caducité de la requête. La durée moyenne de la procédure est de cinq mois.
L’article 430 du Code Civil énumère les personnes pouvant déposer une telle requête à savoir, la personne qui doit être protégée, son conjoint, un parent, le procureur de la République…
Pendant l'instruction, le juge des tutelles peut prendre des mesures provisoires et notamment placer le majeur sous sauvegarde de justice, ordonner une mesure d'instruction (ex : enquête sociale).
Le juge doit en principe entendre la personne à protéger avant de statuer sauf si l’audition est de nature à porter atteinte à sa santé ou s'il est hors d'état d'exprimer sa volonté (CPC art. 432, al. 2).
A l'issue de l'instruction, et un mois au moins avant la date prévue pour l'audience de jugement, le dossier est transmis pour avis au procureur de la République.
Le jugement est notifié, en principe par lettre recommandée avec avis de réception, à la personne qui a demandé l'ouverture de la mesure, à celle qui est chargée de la protection et au majeur (Article 1230 et 1231 du CPC). Le délai d’appel est de quinze jours à compter de la notification, le jugement étant cependant immédiatement exécutoire dès son prononcé.
Le jugement n'est opposable aux tiers que deux mois après la mention du jugement au répertoire civil et en marge de l'acte de naissance de la personne protégée (Article 444, al. 1 du Code Civil).
Le juge qui ouvre une tutelle ou une curatelle doit en fixer la durée, avec un maximum de cinq ans (C. civ. art. 441). La mesure peut cependant être renouvelée par le Juge.
Les mesures de protection cessent en cas de décès de la personne protégée ou par jugement de mainlevée lorsque le juge constate qu’elle n’est plus nécessaire.
Les actes qui ont été effectués par le majeur avant son placement sous tutelle ou sous curatelle sont en principe valables. Cependant, ceux qui ont été accomplis moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la tutelle ou de la curatelle peuvent être contestés dans des conditions plus favorables que celles du droit commun de l'action en nullité pour trouble mental.
La mise sous tutelle concerne les personnes qui, en raison d'une altération de leurs facultés ont besoin d'être représentées d'une manière continue dans les actes de la vie civile.
Le jugement de tutelle crée ainsi une incapacité de principe du majeur sous tutelle, qui doit être représenté par son tuteur dans tous les actes de la vie civile (C. civ. art. 473, al. 1).
Le majeur ne peut plus gérer lui-même son patrimoine, gérer ses comptes bancaires, émettre des chèques, agir en justice, être commerçant, etc.
Le juge ou le conseil de famille, désigne un tuteur qui aura la double obligation de prendre soin de la personne du majeur et de gérer son patrimoine.
Le tuteur peut accomplir seul les actes conservatoires et les actes d’administration nécessaires à la gestion du patrimoine du majeur (Article 504, al. 1 du Code Civil). En revanche, il a besoin de l'autorisation du juge ou du conseil de famille, pour effectuer au nom du majeur un acte de disposition (C. civ. art. 505, al. 1).
La mise sous curatelle concerne les personnes qui, en raison d'une altération de leurs facultés personnelles, sans être hors d'état d'agir elles-mêmes, ont besoin d'être assistées ou contrôlées d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile (Article 440 du Code Civil).
L'assistance du curateur est donc requise pour tous les actes de disposition, c'est-à-dire pour tous les actes qui engagent le patrimoine de la personne protégée. Si la personne protégée a accompli seule un acte pour lequel elle aurait dû être assistée, le juge peut l'annuler si le majeur a subi un préjudice.
Pour se marier, le majeur devra obtenir l'autorisation de son curateur ou, à défaut, celle du juge des tutelles.
Le mandat de protection future permet à chacun d'organiser à l'avance sa propre protection ou sous certaines conditions celle de son enfant et permet ainsi d'éviter l'ouverture d'une mesure judiciaire qui serait incapacitante (C. civ. art. 477 à 494).
Le mandat peut porter :
Le mandat pour soi-même prend effet lorsque le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts (Art. 481, al. 1 du Code Civil). Le mandataire produit alors au greffe du Tribunal d'instance (Tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020) du lieu de résidence du mandant, le mandat et les pièces justificatives d'identité et de résidence du mandant outre un certificat médical attestant de l'altération des facultés mentales ou corporelles du mandant de nature à empêcher l'expression de sa volonté.
Le mandat de protection future fonctionne comme une procuration : le mandataire peut agir au nom du mandant, mais ce dernier conserve sa capacité juridique. Il peut donc accomplir tous les actes conservatoires, d'administration et de disposition, y compris sur les biens dont il a confié la gestion au mandataire.
Créée par l’ordonnance en date du 5 octobre 2015, l’habilitation familiale tend à permettre aux familles qui sont en mesure de pourvoir, seules, aux intérêts de leur proche vulnérable d’assurer cette protection, en se soumettant à un formalisme moins prégnant que celui imposé pour les autres mesures de protection judiciaire (Art. 494-1 et s. du Code Civil).
Les conditions et la procédure d’ouverture sont exactement les mêmes que pour la tutelle : l’habilitation familiale a pour objet de protéger les personnes qui, en raison d'une altération de leurs facultés ont besoin d'être représentées d'une manière continue dans les actes de la vie civile.
Mais le juge ne peut prononcer l’ouverture d’une habilitation familiale que s’il constate l’adhésion, ou à défaut, l’absence d’opposition légitime à la mesure de l’ensemble des proches de la personne à protéger, ce qui suppose qu’il n’y ait pas de conflits familiaux (Art. 494-4 al. 2 du Code Civil).
Contrairement à la tutelle, l’habilitation familiale fait peser sur la personne habilitée des contraintes moins lourdes que celles qui pèsent sur le tuteur.
La personne habilitée a notamment le pouvoir de passer seule, pour le compte de la personne protégée, des actes de disposition à titre onéreux, sans avoir besoin d’obtenir l’autorisation préalable du juge des tutelles.
La loi de programmation de la justice de 2019 a créé une passerelle permettant au juge de prononcer l'ouverture d'une habilitation familiale alors que le prononcé ou le renouvellement d'une mesure de tutelle ou de curatelle était demandé.
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